Arnaud Grégoire : « au croisement du journalisme et des nouvelles technologies »


Il y a 20 ans, il a été le premier en Belgique francophone à utiliser Internet comme moyen de diffusion de l’information. Aujourd’hui, Arnaud Grégoire continue de développer l’information 2.0 en Belgique. Responsable de l’édition internet d’Alter Échos, il travaille également occasionnellement pour l’Agence Alter, une agence de presse spécialisée dans l’actualité socio-économique. Le reste de son temps, il le consacre à la réalisation de projets transmédia via sa société de production Katch’a. À seulement 43 ans Arnaud Grégoire est à la fois pionnier et spécialiste de la presse web francophone belge. Pour Horizons Médiatiques, il a accepté de revenir sur son parcours.

 

Horizons médiatiques/Cécile Mantovani : Quel cursus avez-vous suivi?

Arnaud Gregoire : J’ai fait des études de communication en composant un programme à la carte. J’étais en effet intéressé par la notion d’intelligence artificielle et la communication homme-machine. Mais au début des années 90 il n’y avait pas d’études à ce sujet du côté des sciences humaines, et Internet n’était quasi pas connu. J’ai donc mis à mon programme des cours de psychologie cognitive et d’ingénieur informaticien.

HM/CM: Vous avez créé le premier site web belge francophone d’information. Quel était le nom de ce site? Comment l’idée vous est-elle venue? Comment la création s’est-elle déroulée? Et qui d’autre a participé à sa création?

AG : Le premier site web que j’ai fait était un site pour un journal étudiant que j’avais créé à l’époque et qui s’appelait « 120 mille », comme 120 000 étudiants en Belgique francophone. C’était en 1993 ou 1994. J’étais seul à créer le site, avec un coup de main technique du fournisseur d’accès Internet. Et mon ami dessinateur Kanar (qui est maintenant un des principaux dessinateurs de presse en Belgique) a fait les boutons. À l’époque, on en était à la première version du HTML, qui était très simple… À l’époque aussi, aucun journal belge francophone n’était sur le web.

HM/CM : Vous avez commencé votre carrière de journaliste sur le web, est-ce un hasard ou une volonté de votre part? Autrement dit, avez-vous toujours voulu travailler dans le domaine du web et si oui pourquoi?

AG : Le web n’existait pas encore, en tout cas pas comme on le connaît maintenant. On utilisait le mail et une version très basique d’Internet. Et il y avait surtout ce qu’on appelait les BBS, des sortes de sites sans interface graphique. Ce dont j’étais certain, c’est que je voulais travailler dans ce domaine : c’est-à-dire au croisement du journalisme et des nouvelles technologies, dont on ne savait d’ailleurs pas du tout ce qu’elles allaient donner.

HM/CM : La création de votre site a-t-elle été un tremplin pour le reste de votre carrière? Qu’avez-vous fait ensuite? Êtes-vous resté dans le domaine de la presse web?

AG : Mon premier site n’a pas été connu, mais le fait que j’étais journaliste et l’un des seuls, voire le seul, qui connaissait le HTML et Internet, m’a permis de décrocher mon premier job salarié, pour le site en création du groupe Vers L’avenir (presse régionale), puis quelques mois après pour le site du quotidien financier L’Echo, où je suis resté 10 ans (ndlr : Il en assurait la gestion éditoriale de 1996 à 2006).

HM/CM : En décembre 2010 vous avez réalisé « Le bonheur brut » qui a reçu le prix Dexia (Le prix de la presse Dexia est le prix de référence et le plus ancien prix en Belgique. Il s’appelle maintenant « prix Belfius »). Pouvez-vous m’en dire plus sur la réalisation de ce web doc.

AG : Lorsque je travaillais dans la presse financière, on parlait sans arrêt de croissance. Il fallait que les bénéfices croissent, que les chiffres d’affaires augmentent, et évidemment que le PIB soit en croissance. Personne ne remettait cela en cause. Il me semblait pourtant que cela devait être remis en question. Mais c’est un sujet complexe et je ne savais pas comment l’aborder. Quelques années après avoir quitté L’Echo, quand les premiers web doc sont apparus en France, je me suis dit que c’est ça qu’il fallait faire pour expliquer et remettre en cause la notion de croissance.

HM/CM : Et pour la suite?

AG : J’attends beaucoup de l’intégration des médias audiovisuels et web, de la TV et des réseaux sociaux. La révolution « nouveaux médias » ne touche véritablement que depuis peu les TV, et c’est annonciateur de gros changements dans nos modes de consommations des médias en général et de l’audiovisuel en particulier. Les TV vont devoir très sérieusement se mettre au web et repenser leurs modes de diffusion et leurs business models. Et la presse écrite va entrer de plus en plus dans la production audiovisuelle.

Propos recueillis par Cécile Mantovani