Les journalistes de webzine : des rédacteurs touchent-à-tout

 

Quand le journalisme embrasse le numérique au milieu des années 90, les rédactions papiers s’exportent sur le web et adoptent de nouvelles pratiques journalistiques. Mais c’est au niveau du management interne des entreprises médiatique et de leurs stratégies de recrutement que les principales mutations sont observées.

Les journalistes “digital natives”, nés avec les ordinateurs et internet, ont une longueur d’avance sur les “newsosaurs” qui ont évolué avec la presse papier. Mais un effort d’adaptation aux codes journalistiques en perpétuelle évolution reste indispensable. Cécile Chalancon, éditrice pour le magazine numérique Slate.fr se rappelle : “ avant Slate je travaillais pour la presse écrite et le journal Libération, et le passage au numérique n’a pas été difficile pour moi, même sans formation initiale en web. Je me suis formée sur le tas, comme les autres journalistes de l’époque”. À l’heure où la presse magazine a commencé à se tourner vers le numérique, les formations en journalisme n’intégraient pas systématiquement des cours sur le web à leurs programmes. « Lorsque je suis sortie diplômée du CUEJ de Strasbourg en 2004, je n’avais suivi aucun cours sur le journalisme internet et ses outils, ajoute Cécile Chalancon. Je suppose que la direction de la formation n’avait pas prévu l’essor fulgurant que ferait la presse sur la toile« .

La maîtrise technique ne suffit plus

Près de 10 ans après, les formations ont évolué et le volume de cours consacré à internet, aux réseaux sociaux, à la veille informatique, à la mise en ligne de contenus, etc. ne cesse d’augmenter dans les écoles. Au CUEJ de Strasbourg il est même désormais possible de se spécialiser sur le support web. Signe que le secteur journalistique est de plus en plus exigeants envers lesnouvelles recrues qui doivent maîtriser techniques et savoir web.

Slate.fr recrute des stagiaires tout au long de l’année et sur des durées de 3 mois : de décembre à février, de février à avril et d’avril à juin

Pour Cécile Dehesdin, également journaliste à Slate.fr qui s’occupe notamment de recruter de nouveaux stagiaires, « ils doivent tous avoir des connaissances solides par rapport à internet, une vrai culture web. D’autre part un usage extérieur est un gros plus, comme écouter de la musique sur Spotify, regarder des films en streaming, posséder ou suivre un blog quel qu’il soit.” Prendre pleine possession d’internet et le comprendre, telle doit être la ligne directrice du journalisme magazine 2.0. « Le critère principal pour intégrer la rédaction d’un magazine sur internet n’est pas tant le niveau de technique que possède le candidat, mais son amour pour le web ; la technique s’apprend, l’amour du métier non” ajoute Cécile Chalancon. Ce paramètre ne permet donc pas d’établir un profil type : “en effet, il n’y a pas vraiment de profil standard. Du moins pas chez Slate.fr. À la rédaction il y a trois jeunes journalistes, que l’on pourrait mettre dans la case des fameux digital natives, et trois autres qui sont comme moi issus de la presse écrite.”

Cécile Chalacon met en avant l’importance d’être polyvalent : “même en tant qu’éditrice il m’arrive d’écrire des articles pour le site, tout comme quelques fois je m’occupe des réseaux sociaux, nous sommes tous de vrais “touche tout” à la rédaction”. La différence avec la presse magazine papier se fait essentiellement au niveau du rythme de publication qui est plus  intense. En presse magazine numérique, “le bouclage n’existe plus, on est amené à mettre à jour le contenu du site à tout instant, ce qui suppose forcément que nous soyons tous en mesure d’alimenter le contenu”.

Le community management “une évolution” du journalisme web

Du côté des journalistes en presse magazine numérique, certains ont misé davantage sur le choix d’une spécialisation parfois recherchée. À ce titre, une nouvelle profession émerge depuis quelques années, celle de community manager (voir sa définition dans la vidéo de Mathieu Blanco ci-dessous).

 

Pourtant, le statut du métier de community manager et sa pertinence au sein d’une rédaction d’un magazine numérique sont encore à définir. “Le community manager n’est pas considéré comme un journaliste pour tous les médias, estime Cécile Chalancon. À Slate chacun fait une part de community management dans son travail, il n’y a pas de poste spécialement dédié.” Journaliste de profession et ancien contributeur dans plusieurs webzines, Stéphane Moreau, interrogé par conseilsmarketing.com, va plus loin : “l’évolution vers le community management a été une évolution naturelle de mon métier, et plus globalement une évolution du métier de journaliste.” Même s’il parle de mutation du métier, le community management n’est pas à mettre dans le même panier que le journalisme, car c’est “en plus du rôle de journaliste 100% presse écrite [qu’il a] ajouté la casquette de Community [...] Manager”. Cela ajoute une corde en plus à l’arc du journaliste, sans pour autant être son substituant.

De la même manière, les rédactions intègrent de plus en plus d’experts spécialisés dans d’autres domaines, comme le souligne Cécile Dehesdin qui “ne ferme pas la porte à ceux qui n’ont pas suivi de formation journalistique, car ils apportent un regard plus avisé sur certains sujets”.

Article rédigé par Tatiana Marotta et Kevin Murgue