“Gli occhi della guerra”: du crowdfunding pour des reporters de guerre

 

Le crowdfunding est désormais partout. C’est le modèle de financement qu’a choisi Il Giornale, un quotidien italien, pour réaliser des reportages de guerre. Depuis décembre dernier, les internautes sont invités, grâce à leur contribution, à participer à l’élaboration de documentaires. Une pratique qui se développe partout en Europe grâce au soutien des lecteurs.

“Donner toujours plus de pouvoir au lecteur”. Telle est la devise que le quotidien de centre droit Il Giornale tente de mettre au coeur de son nouveau site d’investigation, “Gli occhi della guerra”. Le projet, lancé en décembre 2013, vise à récolter des fonds auprès des internautes pour permettre à des journalistes de partir en reportages dans des pays en guerre. Les reporters sont des journalistes chevronnés, comme Fausto Biloslavo, Gian Micalessin ou encore Barbara Schiavulli. L’initiative s’est développée dans le but de “valoriser le lecteur et ses choix”. C’est en laissant à l’internaute le soin de décider dans quel reportage il souhaite investir que le journal entend se différencier.

Une autre façon de faire du journalisme
L’autre raison de ce projet tient à la situation de crise financière et sociale qui s’est développée en Europe. L’Italie n’y a pas échappé, et le secteur des médias est lui aussi en crise profonde. Mais comme l’explique Fausto Biloslavo dans un entretien pour la radio tv Capodistria, “Gli occhi della guerra” permettrait au journalisme de qualité de sortir de la crise dans laquelle il est plongé. “Selon moi, le lecteur a encore besoin, comme il a besoin du pain, du journalisme “à l’ancienne”. C’est a dire de reportages faits en allant à proprement parler sur le terrain. Et c’est quelque chose dont on manque aujourd’hui d’autant plus. Nous nous sommes habitués à travailler avec les agences et avec l’Internet, mais jusqu’à un certain point.”

L’Ukraine, la Libye, l’Afghanistan
Le premier reportage s’est déroulé en Ukraine, pendant les manifestations de la population contre le pouvoir en place. C’est lors d’une rencontre entre journalistes que l’idée du crowdfunding s’est développée pendant une conversation autour des révoltes ukrainiennes. “Nous voulions voir ce qu’il s’y passe de nos propres yeux”, explique Fausto Biloslavo. En moins de 12 heures, 32 personnes ont répondu à l’appel du journaliste. Dès le lendemain, Fausto s’est rendu sur place grâce aux 3000 € récoltés. Ce journaliste émérite partira en Afghanistan au mois d’avril, au moment où le pays verra le départ des troupes alliées et des élections présidentielles, à l’aide des 4051 euros envoyés par les internautes.

Pour le moment, c’est le journaliste Gian Micalessin qui raconte la Libye d’après Kadhafi aux lecteurs du journal milanais. Le reporter est parti avec 5129 € (cent de plus qu’espérés) pour réaliser un reportage intitulé “Libye, notre pétrole est en danger”. “Parler d’affaires étrangères signifie très souvent parler aussi des affaires italiennes. La Libye et le pétrole en sont l’exemple” expliquait-il dans un entretien téléphonique lors d’une table ronde à l’Université IULM de Milan.

A cette même conférence participait la journaliste Giovanna Botteri, correspondante aux États-Unis pour la Rai. Celle-ci s’est fait soutien du projet de crowdfunding en expliquant que l’on “ne peut pas comprendre ce qui se passe réellement en Italie sans savoir ce qu’il se passe dans le reste du monde et qui nous influence inévitablement.”

Les initiatives de crowdfunding qui fleurissent ici et là en Europe répondent ainsi à une problématique simple: revenir à un journalisme de qualité, dans lequel on intègre le lecteur à part entière. Personne ne sait encore si le financement participatif sera l’une des réponses à la crise que subit le journalisme, mais c’est un début de réponse que « Gli Occhi della Guerra » tente d’y apporter.

Article rédigé par Gaelle Legrand