Le « comics journalism » fait sa bulle

 

Fini les claviers, appareils photo, micros ou caméras. Place aux crayons et autres encres, le journalisme version bande dessinée envahie peu à peu l’Amérique du Nord.

Appelé  « comics journalism » ou « graphic journalism » par les américains, le journalisme BD s’installe au côté des journalistes traditionnels et apparait de plus en plus fréquemment dans les publications nord-américaines (États-Unis et Canada).

Capture d’écran de la rubrique « cartoons from the issue » du site du New Yorker

Mais l’Amérique n’est qu’aux prémisses d’une forme de journalisme qui tend à devenir bien plus populaire. Depuis environ cinq ans, les journalistes l’adoptent, des bédéistes s’y mettent et les pionniers de ce nouveau mode de diffusion de l’information sortent de l’ombre. Le National Post et le magazine montréalais Urbania pour le Canada ou encore The Oregonian et le New Yorker pour les Eats-Unis, de nombreux journaux ont ouvert des rubriques dédiées au « comics journalism » ces dernières années. Même certains magazines spécialisés l’adoptent, à l’instar du Willamette Week publié à Portland qui utilise la BD pour ses critiques musicales et interviews.

Les grandes figures

Joe Sacco. Le nom de cet américano-maltais ne vous dit probablement rien et pourtant, ce journaliste d’un genre nouveau est considéré comme le pionnier du « comics journalism ». C’est d’ailleurs à ce diplômé de l’Université d’Oregon que l’on attribue le terme. Pour lui, le neutre et l’objectif n’existent pas dans le journalisme BD. Apparu il y a une vingtaine d’années aux États-Unis, il complète les mots et rend l’information « vivante ». « Un journaliste va écrire dans un article : Les rues de Gaza sont très boueuses. Mais combien de fois peut-il l’écrire ? Alors que moi, je peux les montrer en permanence à l’arrière-plan, et elles collent à l’esprit du lecteur comme elles ont collé à mes chaussures », explique Sacco dans une interview au Toronto Star. Diplômé d’art et de journalisme, il a notamment produit dans les années 90 « Palestine – Une nation occupée » qu’il tire d’un voyage de quelques mois au Proche-Orient. Cette réalisation sérieuse séduit alors le lectorat autant que la profession. Paraitront ensuite « Gaza 1956  – en marge de l’histoire » ou encore « Goražde » tirés de ses enquêtes en Palestine et Bosnie pour ne citer que ses œuvres les plus connues.

Phil Angers, David Colliers, Chester Brown, Guy Delisle… Le Canada et le Québec comptent, tout comme les États-Unis, de grands bédéistes parmi leurs journalistes. À Montréal, la célèbre maison d’édition Drawn & Quarterly a même ouvert depuis peu une boutique de BD accordant une grande place au « comics journalism ». Une véritable référence en Amérique du Nord.

Mais, il faudra attendre 2012 pour voir apparaitre la première publication dédiée exclusivement au « comics journalism » en Amérique du nord : un magazine au format tablette intitulé Symbolia.

La reconnaissance arrive

Le « comics journalism » a toujours été très apprécié et encouragé par les Belges, Français et américains. Et voilà que depuis quelques années, au Québec, Les grands prix du journalisme indépendant, événement qui a lieu tous les ans, attribut une récompense pour les illustrations éditoriales et le BD-journalisme.

Côté formations, bien qu’aucun programme spécifique au « comics journalism » n’existe encore à ce jour de nombreuses universités et instituts organisent des ateliers. Les étudiants en journalisme y apprennent l’utilisation de la bande dessinée comme outil de communication.  Dans quelques années, peut-être, existera-t-il des formations spécifiques, mais en attendant, les reporters du nouveau genre sortent presque tous d’écoles de journalisme traditionnelles. La bande dessinée venant ensuite se greffer sur leur pratique grâce à leurs talents de dessinateurs innés.

Article rédigé par Gaëlle Michineau